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Une famille Napolitaine
19 février 2007

UN PEU D HISTOIRE ...

Dans les eaux calloises le corail se développe entre 50 et 200 m de profondeur, dans un milieu où la température baisse rarement au dessous de 22¡et jamais longtemps car les corallières ne construisent leurs massifs, que baignés dans des eaux suffisamment chaudes, pour favoriser la sécrétion de leur squelette calcaire. Les points de pêche les plus proches se situent à environ 3 milles de La Calle.

Ce curieux arbrisseau des abîmes s'attache à tout ce qui est solide et résistant. Il faut donc le rechercher parmi les rochers auxquels il se fixe par un empattement de sa base. Il se développe dans des grottes parfois profondes de 20 à 30 mètres, dans le creux des rochers et sur leurs parois face au Sud-Ouest. Mais ce sont les cavernes - difficilement accessibles à la croix du pêcheur et au scaphandrier - qui recèlent les plus belles branches de corail. C'est donc en venant du Sud-Ouest que les pêcheurs callois attaquent les rochers repérés d'après des points de la côte - points repères qu'ils gardent jalousement secrets.

L'histoire de la pêche au Corail.

La pêche au corail n'a d'analogie avec aucune autre pêche et c'est certainement celle qui exige la plus grande dépense de forces et d'énergie physiques. Les embarcations ou coralines qui se livrent à cette pêche viennent presque toutes d'Italie ; elles jaugent de 6 à 16 tonneaux. Bien taillées pour la marche, très solides, elles tiennent parfaitement la mer. Leur voilure considérable se compose d'une grande voile latine, d'un foc et souvent de quelques voiles supplémentaires. L'arrière est réservé au cabestan ou à la pêche proprement dite et à l'équipage.

L'avant est aménagé pour les besoins du patron. Quand le propriétaire du bateau pêche lui-même, il est le capitaine de sa barque et il bénéficie d'une couchette ainsi que son second. Au centre se trouvent le biscuit et l'eau disposé de manière à permettre à l'équipage de manger et de boire à discrétion, car c'est chose nécessaire. Le corailleur consomme comme une machine à vapeur ; il ne produit qu'autant qu'il consomme et ses mouvements, ses efforts prodigieux nécessitent réparation constante de son activité vite épuisée.

On leste les coralines avec des pierres car les filets et autres objets de bord ne suffisent pas à les placer dans de bonnes conditions de navigation. La coraline mesure généralement 15.20 m de longueur, 3.25 m de largeur et 1.40 m de profondeur. A l'avant,à l'extrémité d'un petit mat une grosse boule de bois est décorée de deux yeux qui marquent la clairvoyance du patron dans la recherche des bancs, et de têtes de saints : figure de proue, symbole de la protection divine, pérennité de pêche prospère et de retour au port...

Un grand nombre de petits bateaux se livrent aussi à la pêche mais avec deux ou trois hommes et un mousse ; ils ne passent jamais la nuit en mer et rentrent au port chaque soir. Pour eux, les grosses provisions sont inutiles.

En Méditerranée et jusqu'à la fin du 19° siècle, l'engin de pêche se compose invariablement :

-d'une croix de bois dont la longueur des bras varie suivant le tonnage du bateau. Ainsi une coraline de 10 tonneaux utilise une croix dont les bras atteignent deux mètres. Au centre de l'engin, une pierre très pesante sert de lest. Quelque fois, une croix de fer, courte et creuse remplace la pierre et les barres de bois de la grande croix s'y emboîtent.

- de filets aux mailles très lâches, longs de plusieurs brasses, larges d'un mètre environ et tressés avec une ficelle de chanvre à peine tordue, de la grosseur d'un petit doigt. Une corde passée dans les mailles d'un des côtés peut se serrer, froncer le filet et former ainsi une sorte de bourse qui recevra le corail. Ces bourses appelées fauberts, au nombre de vingt-huit, s'accrochent le long des bras de la croix. En outre sous la pièce de fer qui sert de lest au centre, pend une autre série de 6 à 8 fauberts que les pêcheurs surnomment queue du purgatoire.

Les espagnols qui utilisent de petites embarcations manœuvrent à la main un engin dont la croix n'atteint qu'un mètre de longueur. A l'extrémité de chacun des bras, en dehors des fauberts, ils fixent une sorte de casserole de fer sans fond, au bord supérieur dentelé et aux parois percées de trous où l'on accroche un petit sac de filet à mailles très serrées, destiné à recueillir le corail déraciné ou cassé par les dents de fer. Cet engin assure une pêche fructueuse, mais il est destructeur et à ce titre prohibé.

Le bateau traîne une longue corde courbée en anse et lestée dans son milieu ; lorsqu'elle s'accroche, on lance l'engin. De la connaissance des fonds dépend le résultat de la pêche ; les pêcheurs cachent avec un soin jaloux leurs découvertes ; les patrons possèdent une intuition vraiment admirable pour retrouver,à l'aide de repères ou de marques connus d'eux seuls, les lieux qu'ils ont exploré une fois.

L'armement varie dans la grande et la petite pêche. Dans la première, 10 à 12 hommes composent l'équipage ; dans la seconde, il y en a 4 ou 6. L'origine des matelots est très différente ; beaucoup viennent des côtes de Toscane ; d'autres de Naples, de Corse, de la Provence ou d'Espagne. La réputation du corailleur n'est pas à l'abri de tout reproche : il faut avoir volé ou tué pour être corailleur, entend-on souvent. Cette appréciation est presque devenue un proverbe...

Les soldes sont relativement faibles ; les meilleurs matelot sont payés pour les 6 mois de la saison d'été ; les autres gagnent moins. La nourriture du bord est très simple ; le biscuit ou galetta et l'eau sont servis à discrétion jour et nuit. Le soir, chaque homme reçoit une jatte de pâtes d'Italie fort simplement accommodées ; quelques armateurs ajoutent des oignons au menu. Les matelots achètent eux-mmes les fruits quÕils emportent ˆ la mer. La viande nÕentre, dit-on, dans le repas du corailleur, que deux fois dans la saison : le 15 août et le jour de la Fête de Dieu. Le vin est à peu près inconnu à bord.

Malgré la simplicité de la nourriture et la faiblesse des soldes, le travail fourni est considérable et les fatigues prodigieuses. On aurait peine à comprendre comment, dans de telles conditions, le corps pourrait fournir autant d'efforts, si l'on ne remarquait la consommation énorme de galette.

La pêche dure nuit et jour ; six heure de repos ; voilà le temps accordé au pêcheurs pour récupŽrer quelques forces. Les relâches sont courtes et le travail ne cesse complètement que pendant les fêtes du 15 Août et de la Fête de Dieu ou lorsque le temps ne permet pas aux embarcations de tenir la mer. Habituellement le bateau ne rentre au port que pour se ravitailler.

L'engin lancé à la mer, le patron fait orienter la voile d'après la fraîcheur du vent, de manière à ne pas marcher trop rapidement et à pouvoir accrocher la roche. L'engin étant engagé, on ralentit afin de ne pas le briser. C'est alors que commencent les manœuvres de la pêche. Par calme plat, les avirons remplacent la voile et l'équipage rame vigoureusement. Quand la roche est bien accrochée, vient la pénible manÏuvre du cabestan que 6 ou 8 hommes accomplissent et que le patron combine avec les mouvements et la vitesse de l'embarcation. Le câble de l'engin, souvent jeté à 60 ou 80 brasses ( 100 ou 140 mètres ), s'enroule sur le tambour du cabestan. L'engin rencontrant les inégalités du fond, avance par saccades. L'homme qui tient l'amarre sent aux secousses produites, les moindres particularités de l'opération. ; tantôt il commande d'activer le travail du cabestan et d'affaiblir l'activité de la voile, ou bien, il ordonne une manœuvre inverse. Lorsque l'amarre du cabestan se raidit, il crie : Ç molla ! È ce qui signifie : lâche Le cabestan cesse son action ; la corde se déroule et l'engin tombe au fond de l'infractuosité du rocher qu'il a rencontré. Alors les fauberts légers, éparpillés dans tous les sens, flottent et s'éloignent en rayonnant autour de leur point d'attache ; l'eau écarte les mailles des filets, les fibres, les fibrilles et cordelettes peu tordues de chanvre, s'accrochent à toutes les aspérités, fouillent toutes les cavités et rapportent tout ce qu'elles rencontrent. Soulager et replonger l'engin ; accrocher et décrocher les filets ; voilà en quoi se résume la pêche mais il faut, pour dégager tout cela, déployer des efforts presque surhumains.

Les matelots chantent pour rythmer ces efforts. Lorsque la besogne est particulièrement dure, l'homme de barre psalmodie une sorte de litanies où les saints sont invoqués et aux quelles les hommes du cabestan répondent. Ils travaillent presque nus ; leur peau brûlée, noircie par le soleil, leur donne une physionomie rude et étrange. Ils s'arc-boutent à toutes les saillies du bateau, rejettent leur tête et leur corps en arrière et se précipitent sur la barre du cabestan pour ajouter l'impulsion du corps à la puissance des muscles. Ces malheureux haletants font peine à voir. La sueur ruisselle sur tout leur corps ; leurs yeux s'injectent ; leur face, malgré sa teinte basanée, rougit vivement ; les veines de leur cou, gonflées et saillante montrent toute l'énergie de leur action. Enfin, excité par le patron qui les encourage de la parole et du geste, ils font un suprême effort ; le filet se dégage, déracine et casse des blocs parfois énormes. L'équipage, quoique harassé, commence à plaisanter ; le filet approche ; on va enfin connaître le fruit de tant de peines. La croix est redressée contre le bord, les filets ramenés sur le pont ; enfin on recueille le corail mais l'enchevêtrement des fauberts est parfois tel, qu'il faut casser les fibrilles pour en dégager les branches pourpres. La calle on appelle ainsi l'ensemble des manœuvres depuis l'instant où le filet est jeté à l'eau jusqu'au moment où il est retiré est terminée. Si la pêche est fructueuse, l'équipage a droit à une pause.

Le travail de la pêche peut être si heureux, les fauberts si bien accrochés, qu'il devient impossible de retirer l'engin. On emploie alors soit le tortolo, soit le sbiro. Le tortolo est un gros anneau de fonte pesant environ 100 kg de 55 à 60 cm de diamètre extérieur et de 25 cm de diamètre intérieur. On y enroule en couronne, une corde en tours serrés afin d'éviter son action directe sur l'amarre du filet ; on le suspend à une corde et on l'enfile sur l'amarre de l'engin. L'embarcation est mise à pic, c'est à dire que, halant sur le câble, elle est arrimée perpendiculairement au-dessus du rocher qui la retient. Alors le tortolo est lâché. Il descend avec rapidité et tombant sur les rochers les casse et dégage la croix.

Quelque fois le Sbiro qui signifie herse peut, seul, ramener l'engin. C'est une pièce de bois cylindrique, hérissé de quatre rangées de 6 gros clous à tête large, enfoncés solidement et inclinés à 45¡environ. La pièce de bois est percée verticalement et horizontalement à angle droit. Dans l'un des trous, on passe l'amarre de l'engin qu'il s'agit de dégager ; dans l'autre, une corde formant anneau, lestée par une grosse pierre et maintenue par un matelot placé sur une autre barque. Le sbiro est filé par l'amarre de l'engin jusqu'au fond de l'eau ; puis l'autre barque, halant sur lui, cherche à accrocher les fauberts, tire dans tous les sens et finit toujours par libérer l'engin.

Les petites embarcations ne possèdent pas ces pièces cependant fort utiles. S'il leur arrive de ne pouvoir dégager la croix, alors que la mer devenue grosse, les force à rallier le port, elles l'abandonnent et la perdent parfois.

Il est difficile d'évaluer la quantité de corail pêché par chaque bateau, par jour et par saison. Les armateurs ne divulguent aucun chiffres et la douane ne peut donner de poids précis. Les revenus varient avec les saisons, les chances imprévues et l'habilité des patrons.

Vers 1860, puis à différentes reprise dont la dernière date de 1938, on essaie de pratiquer la pêche au scaphandre.

Le scaphandrier endosse sa combinaison, chausse les lourds brodequins à semelle de plomb pesant près de 3 kg chacun ; il accroche un sac à son cou, prend la martelette de piqueur qui sert à détacher les fleurs de sang et lesté d'une soixantaine de kilogrammes, il plonge. La prudence veut que la descente se fasse par paliers de trois, six, neuf mètres. En général, il est rare qu'il tombe juste sur un banc de corail ; il lui faut chercher, prospecter, se glisser dans les grottes, enjamber, escalader les rochers...

Les plongées à 60 mètres exigeaient de longue heures de repos, elles sont limitées à une ou deux par matinée. Avec une pression de 6 kg par m_à 50 mètres de fond, le plongeur ne peut guère travailler en bas plus de 10' et il ne s'agit pas en remontant de plaisanter avec le temps et les paliers de décompression.

L'eau peut être très claire dans la campagne du silence et l'explorateur sacrilège n'effarouche pas certains poissons. Tandis que le scaphandrier détache les rameaux de corail à coup de martelette, les mérous tourniquent autour de lui ; les langoustes se parquent dans leurs trous ; les pieuvres et les poulpes qui en raison du mimétisme, apparaissent à des profondeurs comme de blancs fantômes, évoluent timides et inoffensifs. Mais plus redoutables sont la murène, le homard et le requin.

La murène, parfois très longue, lovée dans son trou sombre, est invisible. Le scaphandrier avance les mains ; elle s'effraie, fonce menaçante et d'un coup de mâchoire, peut sectionner la combinaison de l'audacieux indiscret. Quel danger à plus de 50 mètres de fond !

Le homard, selon sa fantaisie ou sa curiosité, peut d'un coup de pince couper le tuyau d'arrivée d'air.

Ce qui est blanc attire le requin toujours accompagné de son poisson - pilote. Aussi le scaphandrier cache-t-il ses mains dés qu'un square rôde.

D'autres dangers, d'un caractère technique, le guettent également. Les courants qui atteignent parfois 10 à 12 milles à l'heure l'obligent à se cramponner aux rochers, gênent et retardent ses recherches. Le véritable tourisme sous-marin auquel il se livre est extrêmement fatiguant. D'autre part fasciné par ces rameaux fleuris d'un bleu-vert - la couleur rouge s'éteignant à une certaine profondeur le plongeur s'entête à vouloir remplir son sac ; il s'attarde ; il fourni de trop gros efforts... et le malaise survient ! Dangereux métier que celui qui consiste à ravir, au fond des cavernes sous-marines, les fleurs rouges qui les décorent !

Ainsi l'inégalité des fonds, l'escarpement des roches, la grande profondeur des bancs, la pression de l'eau, sans compter l'agressivité toujours possible d'un poisson, provoquent de si fréquents et de si graves accidents, qu'on renonce à ce genre d'exploration meurtrière.

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